Que vous êtes-vous dit hier quand vous avez lu que, selon Barbara Frederickson, l’être humain doit, pour s’épanouir, ressentir entre 2,9 et 13,2 émotions positives pour une émotion négative? Avez-vous cru que c’était mission impossible et que, pour atteindre un tel ratio, vous devriez à la fois changer d’emploi, de milieu, de conjoint et de coiffure?

Il est vrai que certains milieux sont toxiques et qu’il est fort difficile de s’y réaliser. Toutefois, les émotions que vous ressentez ne sont pas uniquement générées par votre environnement. Elles proviennent souvent de vous.

Les gens réagissent différemment aux événements. Un étudiant sera ravi d’obtenir une note de 84 % à un examen, tandis que la même note en plongera un autre dans la déprime. Ce n’est pas la note qui crée l’émotion, c’est l’interprétation qu’en font les étudiants,

Ce ne sont pas les événements qui provoquent des émotions, positives ou négatives, mais bien l’interprétation qu’on en fait. Vous verrez dans les prochains jours que les clés de la résilience découlent souvent de nouvelles manières d’interpréter [es événements. Albert Ellis, l’un des fondateurs de la thérapie cognitive-comportementale, a créé le modèle ABC pour expliquer que l’environnement n’est pas toujours la cause de nos émotions et de nos réactions.

En français, nous dirons que le A vaut pour Adversité, mais, en anglais, il désigne à la fois le mot Adversity et l’expression Activating event. Le A, c’est un événement qui survient ou un élément de votre environnement que vous percevez.

■ Ce matin, Martin a été accueilli par son patron qui lui a dit qu’il devait lui parler au cours de la journée.

■ Hier soir, Loïc s’est fait larguer par Mélisse. Ç’a été un choc.

En anglais comme en français, le C correspond aux Conséquences, autant émotionnelles que comportementales de l’événement.

■ Martin est persuadé que son patron veut le mettre à la porte. Il n’arrive pas à se concentrer et décide de partir plus tôt afin que la rencontre n’ait pas lieu.

■ Loïc se dit qu’il n’est plus désirable et qu’il ne pourra probablement jamais se trouver une amoureuse.

En théorie, le A est la cause du C. En théorie donc, c’est parce que son patron lui a dit qu’il voulait lui parler que Martin néglige son travail et qu’il songe à partir plus tôt. C’est à cause de la décision de Métissa que Loïc ne se sent plus désirable.

Cette théorie ne tient évidemment pas parce qu’un autre employé dans la même position que Martin aurait pu se dépêcher d’aller voir son patron dans l’espoir que ce dernier lui offre une promotion. Une autre personne que Loïc aurait pu simplement se dire : « Bonjour liberté »

La réaction (le C) que vous avez devant un événement (le A) ne dépend pas de l’événement proprement dit, mais de la manière dont vous l’interprétez. Cette manière, nous l’appellerons la Base du raisonnement. En anglais, on dit Belief ou Thought. Reprenons l’exemple de Martin en insérant le B dans la séquence.

A Ce matin, Martin a été accueilli par son patron qui lui a dit qu’il voulait lui parler au cours de la journée.

B. Martin s’est immédiatement imaginé le pire. Il s’est rappelé les erreurs commises récemment et il en a conclu que son patron voulait le remercier de ses services. Il a alors éprouvé un profond sentiment d’impuissance et de découragement.

C. Martin n’arrive pas à se concentrer et décide de partir plus tôt afin que la rencontre n’ait pas lieu. Trois minutes après son départ hâtif; son patron part à sa recherche sur l’étage.

C’est B, et non pas A, qui est à l’origine du comportement et de l’état mental de Martin. S’il avait interprété différemment l’accueil de son patron (il veut me féliciter, m’offrir une promotion, avoir mon avis sur la nouvelle campagne publicitaire, etc.), sa réaction aurait été autre et il n’aurait pas à subir, le lendemain, les conséquences de son départ précipité.

Combien de décisions lourdes de conséquences avez-vous ainsi prises, au fil des ans, en réagissant à ce que vous disait votre imagination? Où vous trouveriez-vous, dans le grand arbre décisionnel de votre vie, si vous vous étiez assuré du bien-fondé de vos émotions ?

Les émotions, tant négatives que positives, peuvent nous rendre de grands services pour autant que notre perception de la réalité soit valable. Comme vous le verrez au cours des prochains jours, si votre lecture des événements est fausse, votre réaction sera non appropriée. Il ne suffit pas de se mettre à l’écoute de ses émotions ; il faut que celles-ci soient basées sur une lecture juste de la réalité.

Revenons maintenant au ratio de 2,9 émotions positives pour chaque émotion négative qu’a fixé Barbara Frederickson. Vous pouvez probablement éprouver plus d’émotions positives sans changer d’emploi, de milieu, de conjoint ou de coiffure. Il suffit de percevoir le monde tel qu’il est. Quand vous arriverez à percevoir l’adversité pour ce qu’elle est, vous serez en mesure d’identifier les éléments toxiques dans votre environnement et de procéder à un grand ménage. Nous y reviendrons.

Si vous voulez en apprendre plus sur l’utilisation du modèle ABC, lisez Life Coaching, de Michael Neenan et Windy Dryden, Les émotions qui vous font fleurir d’Alain Samson et Sybiline, The Resilience Factor, de Karen Reivich et Andrew Shatté ou les ouvrages d’Aaron Beck.