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Jour 35 : La conciliation travail-famille, un débat incomplet

Jour 35 : La conciliation travail-famille un débat incomplet 

Il n’y a pas d’activité aujourd’hui, seulement ce texte permettant de dresser la table pour les cinq prochains jours. Si, après votre lecture, vous voulez partager votre vision de la conciliation travail-famille, rendez-vous dans le groupe de discussion et cliquez sur La conciliation travail-famille. 

On sous-estime l’importance du titre de travail quand arrive le temps de se lancer dans la rédaction d’un livre. Ce titre, très souvent, deviendra une lentille qui orientera le ton et l’angle de la totalité de l’ouvrage. C’est comme si, en choisissant son titre, l’auteur choisissait avec quelle paire de lunettes (roses, grises, rouges, etc.) il regardera la matière. L’idée d’écrire un livre sur la conciliation travail-famille m’a longtemps travaillé. 

Mon premier titre était La conciliation travail-famille. Ce thème, omniprésent dans les médias et dans les discours politiques (rappelons-nous la promesse des semaines de travail de quatre jours), présentait cependant quelques faiblesses. Premièrement, il ne touche pas tout le monde. Les célibataires sont de plus en plus nombreux au Québec et le mot « famille » ne les attire pas nécessairement. 

Deuxièmement, ce thème est réducteur parce qu’il n’y a pas que le travail et la famille dans la vie. Vous n’êtes pas qu’un employé et le membre d’une famille ; vous êtes également un contribuable, un citoyen, un consommateur, un être humain, et ainsi de suite. Il n’est pas raisonnable de se réduire à deux seuls rôles. 

Troisièmement, ce thème sous-entend un préjugé favorable envers la famille. Il laisse généralement entendre que c’est le travail qui empêche les gens de se réaliser sur le plan familial et qu’il faudrait que le gouvernement fasse quelque chose ». Or, comme vous vous doutez bien, nombre de personnes sont plus heureuses au travail qu’à la maison et verraient d’un mauvais oeil l’idée de travailler moins. Récemment, une vendeuse de Sherbrooke me confiait : « C’est dans la boutique que je me sens chez nous. À la maison, j’ai l’impression d’être une esclave. » En fait, la semaine de travail de quatre jours pourrait fort bien amener une recrudescence des divorces au pays ! 

J’ai donc abandonné ce premier titre, lui préférant celui-ci : Devenez funambule dans la vie. Je me disais à ce moment qu’il devrait être possible, tel un funambule, d’avancer dans la vie tout en maintenant un juste équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Encore une fois, je me trompais. Demandez à un nouvel entrepreneur s’il arrive à investir suffisamment de temps dans sa vie amoureuse. Il vous répondra que non, que son entreprise n’est pas encore viable et qu’il doit y consacrer la majeure partie de son temps. Demandez à l’étudiante qui termine son baccalauréat si elle arrive à maintenir un juste équilibre entre les différents aspects de sa vie et elle vous répondra que c’est impossible. Selon le moment, certains pans de la vie exigeront plus de temps et d’autres, moins. Il est impossible de viser une vie équilibrée de la naissance à la mort. Ce titre a donc été abandonné. 

l’ai ensuite recommencé l’exercice avec un nouveau titre : Le syndrome du tire-pousse. Un tire-pousse, pour ceux qui n’ont pas vu ce film dans lequel Rex Harrison campait le rôle du docteur Doolittle, est un animal (semblable au lama) à deux têtes. Donc, quand une tête va de l’avant, l’autre recule. Partant de ce syndrome, j’entendais prouver que celui qui s’investit trop dans son travail voit sa vie personnelle s’étioler et que celui qui s’investit trop dans sa vie personnelle voit sa vie professionnelle se détériorer. Encore une fois je me trompais : ce n’est pas parce que votre vie personnelle est un succès que votre vie professionnelle est nécessairement un échec. Nombre de gens vivent à la fois une vie professionnelle remplie et une vie personnelle gratifiante. Le contraire est aussi vrai : nombre de gens qui ne travaillent pas ont une vie personnelle tout aussi vide. Le fait de réduire le temps que vous investissez dans une des facettes de votre vie n’implique pas que les autres facettes en sortiront enrichies. 

Et puis j’ai compris. On n’a pas une vie personnelle et une vie professionnelle. On a une vie, un point c’est tout. Ce qui importe n’est pas de viser l’équilibre entre deux vies qui n’existent pas vraiment, mais bien d’être heureux dans chacun des rôles que votre vie vous appelle à jouer. Ce qui importe, c’est que vous gardiez le contrôle de votre existence parce que, si vous n’y arrivez pas, votre vie perd son sens et vous condamne à courir sans avancer et à vous dépenser sans jamais éprouver le sentiment d’avoir réussi. 

Et c’est là le drame : trop de personnes se contentent d’une existence vide en se privant de ce qui donne un goût à la vie. Trop de personnes ont confié leur vie à des « sous-traitants » pendant qu’elles s’investis-sent dans des activités sans lendemain. 

Partant de là, mon livre aurait pu s’appeler Conjuguer vie personnelle et vie professionnelle. J’aurais pu y présenter de nombreux trucs permettant aux lecteurs de bonifier leur existence. Ce livre aurait eu le potentiel pour se hisser dans les palmarès. Le problème, encore une fois, c’est qu’il présentait plusieurs grandes faiblesses. 

Premièrement, il est difficile d’offrir des conseils qui s’appliqueront uniformément aux lecteurs. Tous sont différents, ont des talents et des traits de caractère particuliers, vivent dans des conditions économiques différentes. Les conseils qui auraient pu convenir à un lecteur en auraient laissé un autre sur sa faim. Je voulais écrire un livre qui s’adresserait à un large public. 

Deuxièmement, personne ne réagit de la même manière aux événements. Deux personnes vivant une même situation peuvent l’interpréter de manière différente. Lune se plaindra et parlera de la nécessité de mieux concilier le travail et la famille ; l’autre niera ce besoin et avancera que sa vie est très bien ainsi. 

Troisièmement, plusieurs facteurs, à cause desquels il est de plus en glus difficile de concilier les différents aspects de sa vie, sont dorénavant incontrôlables. 

La nécessité de gagner deux revenus. Surtout pour les dépenses de base, le coût de la vie continue chaque année à grimper et les revenus ne suivent pas le même rythme. Il est de plus en plus difficile pour un couple d’atteindre un certain niveau de vie sans que les deux partenaires travaillent. Cet état de fait ira probablement en s’accentuant au cours des prochaines années, à mesure que les prestations de l’État diminueront et que de bons emplois nous échapperont au profit des pays en développement. 

L’instabilité du couple. Il est hasardeux pour une femme d’abandonner ses activités professionnelles afin de s’occuper des enfants et de miser sur la progression de la carrière de son partenaire. Qui dit que ce partenaire sera encore là l’an prochain ou dans cinq ans? Le couple est de plus en plus perçu comme une relation d’affaires, et il n’est pas rare de voir un partenaire disparaître dès qu’il a l’impression de «ne pas en avoir pour son argent ». 

Des services à la famille inappropriés. Les services ne répondent pas aux besoins de la famille. Par exemple, les heures d’ouverture des garderies de même que la difficulté d’y trouver une place sont autant d’obstacles à une vie facile. 

Le vieillissement de la population. La population vieillissante apportera son lot de problèmes dans les décennies à venir. Le nombre de personnes retraitées par rapport au nombre de travailleurs augmentera, réduisant les revenus de l’État et faisant croître ses dépenses. Le budget de la santé sera particulièrement touché. 

La diminution de la cohésion sociale. Les personnes qui, historique-ment, aidaient une famille (la grand-mère, la voisine, etc.) ne sont maintenant plus disponibles parce qu’elles sont aussi au travail. Le bon voisinage n’est plus à la mode, et il est même quelquefois mal vu de laisser ses enfants aux voisins, ne serait-ce que pour une heure. 

À moins que la société québécoise donne bientôt un immense coup de barre (et ce serait surprenant), ces facteurs sont là pour rester. 

Pour toutes ces raisons, j’ai abandonné mon projet de livre sur la fameuse conciliation travail-famille. J’avoue n’avoir aucune solution miracle à proposer à ce sujet. 

Toutefois, les activités proposées au cours des cinq prochains jours vous aideront à retrouver l’équilibre. Oui, c’est possible de trouver l’équilibre dans son existence. Cependant, cela peut impliquer de se remettre en question et de faire de même par rapport à ses décisions antérieures. Ce qui suit risque de vous demander de grands efforts. Mais n’êtes-vous pas prêt à cela? 

Au cours des deux prochaines journées, vous réfléchirez à l’état de vos finances et à votre rôle de consommateur. Au cours des trois journées suivantes, vous verrez à utiliser judicieusement une ressource des plus précieuses : le temps. 

Si vous souhaitez lire sur le sujet de la conciliation travail-famille, ces deux livres publiés aux États-Unis constituent d’excellents choix. The Second Shift, de Arlie Russel Hochshild et Anne Machung, traite de cette problématique en insistant sur son impact selon qu’on est un homme ou une femme. Le deuxième, Balancing Acts, de Barbara A. Glanz, présente des moyens d’intégrer son travail aux autres aspects (famille, amitiés, santé, etc.) de sa vie.

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Alain Samson

Conférencier et formateur en entreprise depuis plus de30 ans, Alain Samson aide les organisations à relever les défis auxquelles elles font face. Alain sait aller à l'essentiel tout en soutenant l'intérêt de son auditoire grâce à la base scientifique de ses propos et un humour pince-sans-rire très efficace. Alain Samson offre un vaste choix de formations et conférences en entreprises à Montréal, Québec et ailleurs au Canada. Il offre aussi des bootcamp et activités de consolidation d’équipe pour entreprises et séances de coaching pour cadres et dirigeants. Détenteur d'un certificat en Sciences sociales, d'un MBA (UQAM, 1993) et d'un diplôme d'études supérieures en formation à distance, il est diplômé du Authentic Happiness Coaching Program, un programme de formation offert par des sommités mondiales en matière de psychologie et de développement personnel.

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